La lutte de Malcolm X et de Martin Luther King

 

       Il faudra attendre les années 1960 et les divers mouvements Noirs Américains, pacifistes ou violents, du pasteur Martin Luther King, de Malcolm x ou des Black Panthers, luttant pour les « civil rights », pour que l'égalité des droits soit enfin reconnue aux citoyens noirs Américains.

Mais quels espoirs ont-été réalisés grâce aux luttes de ces années 60 ?

Qu'en est-il aujourd'hui ?

Les frontières, qu'elles soient d'ordre économique, sociale, physique, ou encore morale entre les Noirs et les Blancs Américains ont-elles totalement disparues ?

Y aurait t-il une renaissance du racisme ?

Le célèbre « American dream » (It is a hope for a better life, freedom of throughs ... It is also the dream that anybody can succeed in life whatever his social origin, can climb the social ladder) qui dit que toute personne en bas de l'echelle sociale peut par sa volonté progresser, est-il véridique pour chaque Américain quelque soit la couleur de sa couleur de peau ?

 

maltin

 

Malcolm X (à gauche) et Martin Luther King ( à droite)

 

       Le 19 mai 1925 nait Malcolm Little, à Omaha dans le Nebraska. Son enfance, comprenant l'éducation de son père basée sur la fierté noire, et ses propres expériences sur le sujet, ont joué une influence très importante tout au long de sa vie. Bien que son père soit un prêcheur baptiste convaincu et fervent soutien de Marcus Garvey qui prône le retour des Noirs au Liberia, Malcolm ne se dirigera pas vers cette voie de lutte pour l'acquisition de ces droits.

Malcolm perd ses parents jeune et enchaine les familles adoptives, quatre de ses oncles seront tués par des blancs, dont un lynché.

Il obtient le diplôme de son école en tête de la classe, mais quitte le système scolaire après qu'un professeur qu'il admire lui ait dit que ses aspirations à devenir avocat n'étaient « pas du tout réalistes pour un Nègre ». Il refuse d'être charpentier, comme son professeur le lui propose. Il essaye de rendre ses cheveux moins crépus et son teint plus clair, mais malgré la souffrance endurée c'est un échec. Après avoir voyagé d'une maison d'accueil à l'autre, Malcolm est envoyé une première fois dans un centre de détention puis emménage à Boston où il entrera dans le milieu criminel. Il sera d'ailleurs condamné à 8 ans de prison.

C'est pendant qu'il purge sa peine qu'il contacte l'Islam, et devient membre de Nation of Islam, après sa mise en liberté en 1952 il devient un important leader du groupe. Il écrit " Mon confinement est d'une autre nature ; je finis ma quatrième année d'une peine de prison de 8 à 10 ans... mais ces quatre ans de réclusion se sont révélées être les plus enrichissants de mes 24 ans sur cette terre" et aussi « Les mois passaient, et il ne me semblait même pas être emprisonné. En fait, jusqu'à ce moment-là, je n'avais jamais été aussi libre de ma vie ».

Assez rapidement, il change son nom de famille pour « X ». Malcolm expliqua que ce nom représentait le rejet de son « nom d'esclave » en l'absence de son véritable nom d'origine africaine. Dans l'Amérique esclavagiste d'avant 1863, le maître imposait à ses esclaves de prendre son nom afin de les « marquer » comme ses choses, d'où le rejet.

 

Malcolm X par ses talents d’orateur, va devenir à cette époque un des grands leaders de lutte contre la ségrégation. Mais contrairement au Dr King, il s’agit là non pas de prêcher l’égalité mais d’organiser les Noirs en une force cohérente, économiquement indépendante mais aussi capable de se défendre, par la force s’il le faut.

L'une de ses plus grande réussite en ce domaine sera la spectaculaire conversion de Cassius Clay le champion du monde poids lourd de boxe qui devient Mohammed Ali. Malgré la brièveté de son parcours politique Malcolm X va marquer les esprits notamment sur le long terme par ses écrits et par le fait qu’il entame un rapprochement à la fin de sa vie entre les mouvements radicaux et ceux du Dr King.

 

Noi flag 2

Un drapeau de Nation of Islam. Les lettres signifient Justice, Freedom (liberté), Equality (égalité), Islam.


 

       Mais son charisme et ses qualités d'orateur vont vite faire de l'ombre à Elijah qui, par jalousie,va donner l'ordre de ne plus parler du pasteur Malcolm X. Il est condamné au silence par la « Nation of Islam » pour avoir dit de l'assassinat du président Kennedy: «Qui sème le vent récolte la tempête». Puis il apprend par le fils même d'Elijah Muhammed, qu'ordre a été donné de l'abattre.

Louis Farakhan, aujourd'hui leader du groupe Nation of Islam depuis 1982, avait déclaré en 1964 : " Un tel homme est digne de mourir" en parlant de Malcolm X. Et cela 2 mois avant la mort de ce dernier.

En 1964 il quitte donc définitivement la secte et il dénoncera leur racisme anti-blanc. Il se ralliera à l'Islam orthodoxe sunnite et fera son pèlerinage à la Mecque

A son retour il écrira :

« Il y avait des dizaines de milliers de pèlerins, de partout dans le monde. Ils étaient de toutes les couleurs, des blonds aux yeux bleus aux Africains à la peau noire. Mais nous étions tous les participants d'un

même rituel, montrant un esprit d'unité et de fraternité que mes expériences en Amérique m'avaient mené à croire ne jamais pouvoir exister entre les blancs et les non-blancs. L'Amérique doit comprendre l'islam, parce que c'est la seule religion qui efface de sa société le problème des races. »

 

Par ces voyages il aura rejeté toute forme de racisme mais il conservera une vision raciale du monde et continu à dénoncer les crimes des Blancs et la passivité des Noirs:

«J'estime que quiconque se laisse brutaliser sans rien faire pour se défendre est un criminel. Si c'est ainsi qu'on interprète la philosophie chrétienne, si c'est cela qu'enseigne Gandhi, alors je dirai que se sont là des doctrines criminelles. »

 

 Il ne souhaite plus, comme ce fut le cas auparavant, deux états indépendants raciaux, mais l'acceptation de la part des Blancs esclavagistes et oppresseurs et la prise de conscience de l'infériorité Noire:

«Je suis contre la non-violence si elle signifie le renvoi de la solution aux calendes grecques. Si pour faire reconnaître ses droits en tant qu'être humain, le Noir américain n'a d'autres recours que la violence; alors je suis pour la violence. »

 

Malcolm affirmera ensuite sa volonté de mener à la fois une lutte religieuse pour l'islam, et une lutte politique pour les Noirs, les deux fonctionnant de façon autonome.

Il dira avoir été l'un des Noirs les plus intégrés à la communauté blanche. Cependant ses discours porteront sur la race noire, où il va populariser l'expression Afro Américain. Il va demander aux noirs de ne pas se haïr eux même, de chercher leurs origines, ne pas essayer de ressembler aux blancs mais plutôt de créer une communauté noire unie. Il dénoncera le gouvernement blanc américain des actes commis sur les noirs, et affirmera que les noirs sont des victime de l'américanisme.

 

Exemple de discours de Malcolm X :

 

"Qui vous a appris?

Qui vous a appris a détester la nature de vos cheveux?

Qui vous a appris a détester la couleur de votre peau?

Au point que vous l'éclaircissez pour ressembler au hommes blancs

Qui vous a appris, a détester la forme de vos nez et de vos lèvres?

Qui vous a appris a vous détester vous même?

A détester la race a laquelle vous appartenez?"

 

Il tiendra des propos plus durs contre les organisations tels que le KKK ou celle des « White citizen councils », une injustice que ni les autorités ni le gouvernement veulent régler.

A propos de ces groupes il prononcera : « Si l'homme blanc ne veut pas que nous soyons contre lui, qu'il cesse de nous opprimer, de nous exploiter et de nous dégrader. Que nous (les noirs) soyons chrétiens, ou musulmans, ou nationalistes, ou agnostiques, ou athées, nous devons d'abord apprendre à oublier nos différences. [...] Nous allons être forcés d'employer le vote ou la balle. [...] Je ne me considère même pas comme un Américain. Je ne suis pas un Américain. Je suis l'une de vingt-deux millions de personnes noires qui sont les victimes de l'américanisme [...] Il y aura des cocktails Molotov ce mois-ci, des grenades à main le mois prochain, et autre chose le mois suivant. [...] Ce sera la liberté, ou ce sera la mort. C'est la liberté pour tous ou liberté pour personne »

 

La nuit du 14 février 1965, il est réveillé par une explosion: on jette des cocktails molotov sur sa maison . Il évacue sa famille sentant sa fin approcher. Il tient pour responsable les « Blacks Muslims » (membres de la « Nation of Islam »)

Il est assassiné à la fin de cette même semaine, le 21 février 1965, lors d'un discours devant 400 personnes incluant sa famille, il sera sauvagement abattu par une vingtaine de balles.

Malcolm X était mort, la population était soulagée et il aura fallu attendre encore de nombreuses années pour reconnaître le statut qu'il occupe aujourd'hui.

 

En parallèle, une autre face de la lutte afro-américaine, une figure plus connue, et plus représentative de la communauté noire américaine, Martin Luther King, pasteur noir, éminent défenseur des droits de l'homme et emblème de la lutte pour l'égalité des races né le 15 janvier 1929 à Atlanta, il est le fils d'un pasteur baptiste, tout comme Malcom X. Sa jeunesse n'échappe pas à la ségrégation. Il sera diplômé d'un « Bachelor of Arts » en sociologie en 1948, il obtiendra une licence en théologie en 1951 et reçoit un Doctorat de Philosophie de l'Université de Boston en 1955.

Il devient le pasteur de l'église baptiste de l'avenue Dexter à Montgomery en Alabama. Le sud des États-Unis à cette époque était marqué par les violences commises contre les noirs, culminant en 1955 avec le meurtre raciste de Emmett Till, un adolescent de 14 ans, du pasteur activiste George W. Lee et du militant des droits civiques Lamar Smith.

 

Sa lutte se concrétisa lorsque Rosa Parks ai refusé de céder sa place à un passager blanc dans un bus. Un jeune pasteur noir de 26 ans, Martin Luther King encore inconnu, lance alors une campagne de protestation et de boycott contre la compagnie de bus qui dura 381 jours. Le 13 novembre 1956, la Cour suprême casse les lois ségrégationnistes dans les bus, les déclarant anticonstitutionnelles.

Rosa Parks sera la mère du mouvement des droits civiques et permettra à Martin Luther King de prendre son envol.

Si l’on devait ne retenir que deux aspects de l'action de Martin Luther King, il s'agirait probablement des suivants : avoir permis de diminuer la ségrégation raciale aux États-Unis et avoir donné à la lutte non-violente un nouveau père fondateur.

 

 

25parks bussitting

Rosa Parks, à Montgomerry en Alabama

 

Il fonda au début de 1957 une association pour soutenir les droits civiques dans le Sud, qui allait devenir la Southern Christian Leadership Conference (SCLC), dont il fut le président. En 1959, il fit un voyage en Inde sur les traces de Gandhi et rencontra Nehru grande figure de la lutte pour l'indépendance de l'Inde. En 1960, Martin Luther King soutint l'action des jeunes Afro-Américains du Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC ou Snick) contre la ségrégation dans les restaurants du Sud, au cours de laquelle il reçut le soutien de John Kennedy, alors candidat à la présidence ; le succès de cette campagne fut mitigé mais le mouvement pour les droits civiques prit alors toute son ampleur, qui ne faiblit pas malgré les tentatives d'assassinat contre Martin Luther King en mai 1963 à Birmingham, en Alabama. Kennedy, devenu président, se déclara en faveur d'une législation antidiscriminatoire, soutenant d'autant plus facilement King que celui-ci ne cherchait qu'à mettre le «rêve américain» à la portée des Noirs par des méthodes pacifistes.

 

Il expose en 1958 son point de vue sur la ségrégation raciale et la spirale d'inégalité et de haine qu'elle provoque dans le livre Stride toward freedom; the Montgomery story :

« Souvent, les hommes se haïssent les uns les autres parce qu'ils ont peur les uns des autres ; ils ont peur parce qu'ils ne se connaissent pas ; ils ne se connaissent pas parce qu'ils ne peuvent pas communiquer ; ils ne peuvent pas communiquer parce qu'ils sont séparés. »

 

Alors qu'il signe des exemplaires de son livre dans un magasin à Harlem le 20 septembre, il est poignardé à la poitrine par Izola Curry, une femme noire qui l'accuse d'être un chef communiste et qui sera jugée comme déséquilibrée. Martin Luther King échappe de peu à la mort, la lame du coupe-papier utilisé ayant frôlé l'aorte. Martin Luther pardonne à son agresseur et dans une déclaration à la presse souligne la violence de la société américaine :

« L'aspect pathétique de cette expérience n'est pas la blessure d'un individu. Il démontre qu'un climat de haine et d'amertume imprègne tellement notre nation que des accès d'extrême violence doivent surgir inévitablement. Aujourd'hui c'est moi. Demain cela pourrait être un autre dirigeant ou n'importe quel homme, femme ou enfant qui sera victime de l'anarchie et de la brutalité. J'espère que cette expérience prouvera être socialement constructive en démontrant le besoin urgent de la non-violence pour gouverner les affaires des hommes. »

 

Montgomery avait été le premier épisode de la révolte noire. Greensboro fut le deuxième. Dans cette ville de Caroline du Nord, autre Etat des plus racistes des U.S.A., quatre étudiants noirs s'installèrent, le 1er février 1960, dans un buffet réservé aux Blancs et refusèrent d'en partir. Une station de radio transmit l'information. Aussitôt, des dizaines d'étudiants vinrent en renfort à leurs camarades : les "sit-ins" venaient de faire leur apparition comme tactique de masse.

 

Ce mouvement allait s'étendre à plus de cent villes et mobiliser soixante-dix mille protestataires. Injuriés, les manifestants restaient silencieux. Frappés, ils ne rendaient pas les coups. Même quand des jeunes Blancs s'amusaient à tirer les cheveux des filles noires ou à écraser des cigarettes allumées sur leur cou, celles-ci ne répondaient pas. Tous priaient et supportaient tout dans la dignité. Il y eut des centaines d'arrestations. Martin Luther King n'avait pas été directement à l'origine de cette action, mais il allait d'un lieu à un autre, soutenant les résistants, se joignant à leurs démonstrations, se faisant arrêter avec eux. Il expliquait : "Pour que la résistance non-violente ait un sens, il faut que cela soit dirigé vers la réconciliation. Notre but final est la création de la communauté d'amour fraternel. Les tactiques non-violentes sans l'esprit de la non violence peuvent devenir une sorte de violence". Cette forme de lutte contre la ségrégation permit d'accomplir à un rythme accéléré l'intégration dans les restaurants, sur les plages, dans les piscines, dans les bibliothèques, dans les églises...

 

En septembre 1964, King était invité par Willy Brandt à Berlin, et il était reçu en audience par le pape Paul VI. A son retour, il soutenait la candidature de Johnson à la présidence des Etats-Unis... et apprenant son élection pour le prix Nobel de la Paix, qu'il allait recevoir à Oslo le 10 décembre 1964.

 

Par l'intermédiaire du Prix Nobel, Martin Luther King devenait pour le monde entier le symbole de cette révolte noire qu'il était déjà pour le Sud des Etats-Unis, le symbole de la lutte pour la justice par des moyens non-violents. Mais si sa célébrité faisait le tour de l'univers... elle était en train de mourir aux portes des quartiers misérables des métropoles du Nord, dont les habitants entendaient déjà un autre rêve : celui du "Black Power" (Pouvoir noir), celui d'une Amérique sans les Blancs.

 

En 11 ans, entre 1957 et 1968, Martin Luther King parcourt plus de 9 millions de kilomètres et s’exprime publiquement plus de 2500 fois, pour combattre l’injustice, organiser des actions de protestation et montrer le pouvoir de la non-violence. Au cours de la même période, il écrit également 5 livres et de nombreux articles. Il dirige les protestations massives de Birmingham en Alabama (mars 1963) qui attirent l’attention du Monde entier : les confrontations entre des manifestants noirs non armés et les policiers armés de lances à incendie et lâchant les chiens sur les manifestants font la une des journaux du monde entier. Il organise la marche de Washington le 28 août 1963. Elle rassemble plus de 250 000 personnes devant lesquelles il démontre ses talents d’orateur et de visionnaire en prononçant l’un des discours les plus célèbres de l’histoire, "I have a dream" : Je rêve du jour où mes 4 enfants ne seront plus jugés par la couleur de leur peau, mais par le contenu de leur personnalité. Il s’entretient avec Kennedy et fait campagne pour Lyndon Johnson.

 

mk.jpg

Martin Luther King à Washington D.C où il prononce le célèbre "I have a dream".

 

Le 4 avril 1968, alors qu’il s’est rendu à Memphis afin de soutenir des grévistes, il est assassiné sur le balcon d’un Motel. Il est âgé de seulement 39 ans. Il avait la veille évoqué sa mort dans un de ses discours. Sa veuve sera accompagnée par tous les leaders des États-Unis lors des funérailles suivies par plus de 150 000 personnes.

 

Martin Luther King et Malcolm X, tout deux durant leur courte existence sont devenus des personnalités des plus marquantes du XXe siècle, même si ils n'ont pas lutté de la même façon, ils ont tout les deux permis de combattre la ségrégation et l'émancipation des droits des noirs. L'étape la plus importante depuis l'abolition de l'esclavage dans l'histoire des afro-américains.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :